One Health : penser la santé et innover autrement
Le concept de santé globale encourage à trouver les moyens de produire et innover au bénéfice de tous. L’industrie pharma est en première ligne dans cette dynamique collective et participative à soutenir pour se projeter tous ensemble dans la santé de demain.
Cette approche de santé globale dite « One Health » a été développée par l’OMS à partir des années 2000.
Et la pandémie de coronavirus a rappelé de manière urgente combien santé humaine, santé animale et environnement sont intimement liés. « Environ 70 % des maladies infectieuses émergentes humaines ont une origine animale, souligne Sébastien Huron, directeur général de Virbac, laboratoire vétérinaire issu d’un double savoir-faire en virologie et bactériologie. Au travers de certains vaccins, nous veillons à limiter le passage des maladies entre espèces et de souches infectieuses à l’homme. »
En Europe, Virbac a été pionnier dans le lancement d’un vaccin contre la leishmaniose, et en première ligne dans l’éradication de la rage au travers d’appâts libérés en Estonie, Lituanie ou encore en Grèce pour les animaux sauvages. Bien conscients de l’interdépendance des écosystèmes, les laboratoires sont devenus des acteurs de premier plan du changement en faveur d’une santé globale, alors que le dernier rapport du GIEC rappelle avec force que les modes de vie et de comportements sont interdépendants avec des répercussions sur l’ensemble de la planète.
SUR UN CONTINUUM DE SANTÉ
« Il y a une réelle demande de transparence et de naturalité de la part du patient consommateur qui fait plus attention à son bien-être, à la prévention, aux circuits courts et au fabriqué en France », souligne Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché, de la communication, des affaires publiques et de la RSE chez UPSA, une marque bien présente dans l’armoire à pharmacie des Français au travers de médicaments emblématiques tels que Dafalgan et Efferalgan pour soigner la douleur. Pour répondre aux attentes, UPSA s’est engagée au travers de son pacte durable sur des objectifs ambitieux pour assurer le bien-être pour tous, préserver la planète et le bien-vivre ensemble.
Exemple : être carbone neutre et avoir tous ses emballages secondaires, tertiaires et PLV recyclables et recyclés d’ici 2027. Avec l’ambition d’être « une entreprise pollinisatrice » pour pousser une approche systémique en Lot-et-Garonne en collaboration avec tous les acteurs concernés.
La dynamique de changement est également incarnée par Chiesi, acteur majeur dans les maladies respiratoires et première société à mission dans la santé, qui travaille de manière transversale avec son comité de mission à coconstruire le monde de demain avec l’ensemble des parties prenantes : médecins, patients, collaborateurs, fournisseurs… « La santé constitue un continuum, qui va de la prévention à la prise en charge et au traitement des patients chroniques », souligne Neil Bernard, son directeur de la communication, des affaires publiques et de l’accès au marché. Ce qui encourage à promouvoir les bonnes pratiques et les approches innovantes dans le sens d’une santé globale. « Notre R&D ne se concentre pas seulement sur la mise au point de nouveaux médicaments, qui est déjà un axe essentiel, mais aussi sur des critères d’écoconception sur tout le cycle de vie des produits pour minimiser leur empreinte », explique-t-il. En cohérence, tous les produits issus de la recherche interne sont fabriqués en Europe pour encourager un sourcing vertueux et aller dans le sens de l’indépendance sanitaire. L’année dernière, le site de La Chaussée-Saint-Victor, près de Blois, a été lauréat de France Relance, ce qui a permis d’accélérer les efforts dans la transition énergétique. Depuis trois ans, Chiesi a investi 350 millions d’euros, dont 60 millions sur le site de La Chaussée-Saint-Victor, pour développer un nouveau gaz à empreinte carbone minimum pour ses produits respiratoires. Une démarche pionnière dans la filière.
TRAVAILLER AUTREMENT AVEC LE TERRITOIRE
Au niveau du site, l’engagement pour la planète se traduit par « un travail de fourmi » selon Franck Vilijn, directeur industriel de Chiesi, attentif aux moindres détails au quotidien jusqu’à la pose d’ampoules basse consommation intelligentes dans tous les bâtiments si nécessaire. Les projets sont variés pour réaliser des économies d’énergie en développant les filières locales, organiser les flux de manière pertinente avec les fournisseurs et cela, en mobilisant l’ensemble des acteurs locaux : salariés, universités, acteurs publics et citoyens. « Chiesi collabore avec la CCI de Blois sur des projets d’économie industrielle territoriale », précise le directeur, qui était présent avec d’autres membres du Grépic, en mars dernier, à la 2API Tours pour sensibiliser les étudiants pharmaciens au développement durable.
En tant qu’entreprise et organisme de formation, le Groupe IMT participe également à ce travail d’influence pour anticiper la mutation et en faire un nouveau levier de développement des territoires.
« Nos apprenants sont sensibilisés dans leur apprentissage au travers d’un module sur le développement durable. Il englobe les problématiques de tri et de recyclage en lien avec leur métier jusqu’aux risques de sécurité sur les produits de santé et cosmétiques, notamment avec les normes ISO 14001 et 45001 », note Hervé Galtaud, son directeur général, qui a également pris l’initiative de réduire le bilan carbone de l’entreprise et de déployer une charte vertueuse avec ses fournisseurs.
UNE MEILLEURE INTÉGRATION AUX POLITIQUES PUBLIQUES
De nombreuses associations et entreprises existent aujourd’hui pour aider à appréhender les nouveaux défis. Time for the Planet sensibilise ainsi les salariés à l’urgence climatique, Water Family se rend dans les écoles, The A Lab® dirigée par Sabine Jean-Dubourg promeut les achats durables auprès des laboratoires… Les start-up sont également force de proposition.
Avec Rosachem, start-up orléanaise, le site de Servier Gidy étudie la mise en place d’une plateforme de récupération de ses réactifs périmés à la « date pharmaceutique » pour qu’ils soient réutilisables par les universités ou laboratoires de la région. Un moyen original d’éviter l’incinération et d’en faire un déchet valorisable, en s’appuyant sur les circuits courts.
Dans une approche globale, les laboratoires s’efforcent ainsi de combiner leur activité au quotidien avec l’engagement sociétal. Un équilibre qui, s’il s’avère vertueux de prime abord, n’en demeure pas moins extrêmement fragile face aux investissements nécessaires et à la réalité économique. Au moment où Bpifrance lance son plan de décarbonation des sites, il est donc nécessaire de concilier davantage politique économique et de santé pour s’aligner sur les mêmes priorités et objectifs. Un axe prometteur et fédérateur pour Chiesi serait ainsi d’intégrer la notion d’innovation environnementale dans les politiques publiques, comme cela a déjà été fait sur l’enjeu de souveraineté et d’indépendance sanitaire.
Quand les collaborateurs deviennent acteurs du changement
Depuis le 29 avril 2022, les 110 salariés répartis sur les 8 sites du Groupe IMT peuvent s’engager pour une cause qui leur tient à cœur et consacrer une à deux journées par an de leur temps de travail à une association locale. « Nous venons de signer un partenariat avec la plateforme d’engagement solidaire Day One, explique Hervé Galtaud, son directeur général. L’idée est de l’ouvrir à l’ensemble des apprenants. » Le Groupe IMT réfléchit également à organiser un événement annuel fédérateur en faveur de la biodiversité, de la santé et de l’environnement.
Libérer l’innovation en santé animale
Dans le sens d’une santé unique et globale, Virbac prône davantage de prévention pour réduire la pression des pathogènes sur l’humain. « Mieux protéger notre santé passe en priorité par faciliter l’innovation en santé animale au travers d’un environnement réglementaire adapté aux spécificités de ce marché », note Sébastien Huron, directeur général de Virbac. La santé animale représente un marché d’environ 35 milliards de dollars, quarante fois moins important que la santé humaine, avec une multitude d’espèces d’animaux. « On aurait à gagner à avoir des approches plus allégées sans faire de compromis sur la sécurité et l’efficacité », ajoute le médecin= vétérinaire, dont le laboratoire s’est ouvert ces deux dernières années aux partenariats avec les laboratoires pharmaceutiques et les start up, afin d’innover de manière transversale autour notamment des plateformes technologiques sur les anticorps monoclonaux.
Reconnaître et valoriser l’écoresponsabilité
La pandémie a fait bouger les lignes en introduisant le critère de souveraineté dans les prix des médicaments et bientôt les appels d’offres hospitaliers pour sécuriser les approvisionnements et réindustrialiser les territoires. Le laboratoire Chiesi voudrait y ajouter le critère d’écoresponsabilité pour valoriser ses investissements pionniers sur le territoire et introduire une différenciation en Europe, selon Neil Bernard, son directeur de la communication, des affaires publiques et de l’accès au marché. La valorisation de l’innovation environnementale pourrait aussi se faire par des mesures incitatives à destination des professionnels de santé pour prescrire le médicament le mieux disant – à valeur médicale égale.
Relocaliser et privilégier les circuits courts
Premier employeur privé du Lot-et-Garonne avec 1 300 collaborateurs sur 4 sites en production et distribution à Agen, UPSA a l’ambition de faire du « 100 % français », selon Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché, de la communication, des affaires publiques et de la RSE. Un engagement qui l’a conduit ces deux dernières années à travailler sur un projet de relocalisation du paracétamol avec le chimiste Seqens, pour rouvrir et alimenter une ligne de production en Rhône-Alpes, dans le cadre de France Relance. « Le bien-vivre ensemble rejoint l’enjeu d’indépendance sanitaire et répond également à une demande des citoyens », pointe t-elle.
REGARDS CROISÉS « Ensemble, on va plus loin ! »
Mathilde Bourges, responsable communication, développement du leadership et de l’innovation, et Xavier Roques, directeur support production, reviennent sur l’accélération des initiatives vertueuses sur le site de Novo Nordisk, à Chartres (Eure-et-Loir).
La pandémie a-t-elle impacté votre stratégie ?
Xavier Roques : Nous avons dû faire preuve de flexibilité et d’adaptation dans nos approvisionnements, mais la pandémie n’a pas changé notre vision de la santé. Notre stratégie vise à améliorer la vie des patients diabétiques. Ce qui passe, par exemple, par le développement d’une forme hebdomadaire de médicament habituellement pris en injection quotidienne, ou un stylo connecté qui relie directement à son médecin pour un meilleur suivi.
Mathilde Bourges : Nous travaillons en parallèle avec les associations de patients pour prévenir le risque et aider à mieux vivre avec la maladie. Des recherches sont en cours aujourd’hui pour guérir le diabète. Nos partenariats avec des biotechs visent à explorer de nouvelles pistes pour demain, notamment dans les biosimilaires.
Comment prenez-vous en compte votre responsabilité environnementale ?
X. R. : Il y a trois ans, nous avons lancé la stratégie Circular for Zero qui intègre la durabilité à chaque étape sur la chaîne de valeur, depuis la conception jusqu’à la distribution au patient, en passant par la production. Résultat, depuis janvier 2022, notre site est carbone neutre sur ses consommations d’électricité et de gaz. Un des objectifs cette année est d’utiliser à 85 % l’énergie verte issue de la chaudière biomasse démarrée en octobre 2021, représentant un investissement de 7 millions d’euros.
Comment intégrer l’écosystème à votre démarche ?
X. R. : Nous sélectionnons déjà nos fournisseurs sur des critères de durabilité. Nous avons l’ambition d’ici 2023 que 80 % soient certifiés EcoVadis. Nous nous intéressons également à de nouvelles sources d’énergie pour le transport, tels que les camions légers à l’hydrogène. Nous sensibilisons régulièrement nos salariés aux enjeux durables. Des trophées mensuels récompensent les initiatives en matière de sécurité et d’environnement. De nombreuses pistes d’amélioration émergent du terrain.
Quels sont les axes d’amélioration ?
X. R. : Notre site participe à un projet pilote en écoconception qui vise à collecter et recycler les stylos injecteurs après usage. Les patients les rapportent à la pharmacie ou nous les envoient par voie postale. Ce modèle est déjà en place au Danemark, au Brésil et en Grande-Bretagne. Sur l’axe innovation, notre travail avance pour développer des stylos durables en bioplastique ou en métal.
M. B. : Toute la difficulté est de concilier le défi de ces changements en matière de production, respect de l’environnement et confort des patients.
Peut-on s’inspirer d’autres pays ?
M. B. : Dans une petite ville danoise, à 80 kilomètres de Copenhague, les équipes de Novo Nordisk travaillent avec un groupement d’industriels à mutualiser les ressources, par exemple en utilisant les eaux de rejets comme matières premières pour les entreprises voisines du territoire. Un projet né du terrain et un idéal vers lequel nous devons tendre pour travailler tous ensemble à limiter nos déchets.
LES OBJECTIFS POUR 2022 ET 2023
– Utiliser 85 % d’énergie biomasse.
– Avoir 80 % des fournisseurs certifiés EcoVadis.
– Collecter et recycler les stylos injecteurs après usage.
Dossier réalisé par Marion Baschet Vernet.
Article extrait du magazine Passerelles 80, pour lire le numéro complet, cliquez ici.