Vincent Huraux, directeur des opérations du groupe Pierre Fabre

PROSPECTIVES : exemple du groupe Pierre Fabre

« Notre première préoccupation a été d’assurer la sécurité de nos collaborateurs »

L’humain est-il encore un facteur de succès dans la gestion efficace d’une crise ? Le tsunami provoqué par la Covid-19 a permis d’apporter de solides éléments de réponse à cette question. Exemple chez Pierre Fabre où le management a adopté une démarche exemplaire en matière de protection des collaborateurs. L’activité s’est focalisée sur la production de médicaments et de produits d’hygiène essentiels avec la mise en place d’équipes plus petites et autonomes sur les sites de production et de distribution du Groupe Pierre Fabre pour garantir l’approvisionnement aux hôpitaux et pharmacies.

Explications de Vincent Huraux, directeur des opérations Pierre Fabre, qui pilote une organisation forte de 2 800 collaborateurs et incite à se souvenir qu’au travail aussi, il n’est de richesses que d’Hommes.

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« Un fonctionnement avec des équipes de 100 personnes par site a été une bonne base pour maintenant extrapoler les étapes suivantes. »

Quelle organisation avez-vous adoptée face à la crise sanitaire ?

Vincent Huraux : Notre première préoccupation a été d’assurer la sécurité de nos collaborateurs dans nos usines et nos sites de distribution pour les métiers des opérations qui ne peuvent se réaliser en télétravail. Les mesures de protection ont consisté en un renforcement des Bonnes pratiques de fabrication (BPF) : port du masque obligatoire, prise de température à l’arrivée, gestes barrières et distances de sécurité…

L’extension des BPF a dû s’organiser dans les zones de production mais aussi extra-production, en particulier les sas d’entrée, les salles de pause, la cantine… La règle a été de maintenir un mètre de distance en permanence entre les collaborateurs du groupe Pierre Fabre. Dans le même temps, nous avons réduit l’activité au maximum et limité la présence simultanée de nos opérateurs à 100 personnes sur tous nos sites Pierre Fabre. Nous avons étalé le nombre d’équipes de production en ayant recours au travail en 2/8 voire 3/8 afin de limiter au maximum le croisement de personnel.

Comment avez-vous effectué  les arbitrages au niveau de la production ?

V. H. : Nous avons distingué les produits prioritaires, notamment les Médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) comme les produits d’oncologie, pour lesquels la rupture est inconcevable. Cela a conduit parfois à un renforcement de la supply chain : transport back up, stocks déportés au plus près des patients… Nous y avons ajouté les produits OTC ou dermocosmétiques contribuant à la non-prolifération du virus (produits d’hygiène corporelle, buccale, d’hydratation et cicatrisation de la peau) dans l’objectif d’alimenter les pharmacies. Au final, nous avons maintenu nos activités à hauteur de 60%.

A-t-il été nécessaire d’adapter le management ?

V. H. : S’organiser en équipes plus restreintes et autonomes au niveau des sites Pierre Fabre nécessite plus d’encadrement sur le terrain. Nous avons reconfiguré le management de proximité pour assurer cette continuité, ce qui s’est avéré d’autant plus essentiel que certaines actions de planification et de contrôle se font à distance (télétravail). L’organisation a été dupliquée pour soutenir et accompagner également les fonctions support (planification des productions, data management, gestion des transports…) parfois plus sollicitées dans la crise, en cas de rupture par exemple.

En quoi la communication a-t-elle été essentielle ?

V. H. : La cohérence d’ensemble n’a pu être obtenue qu’en mettant tout le monde autour de la table, avec les partenaires sociaux, pour prendre des décisions de manière agile et collaborative. Au-delà, la stratégie s’accompagne de communication institutionnelle, avec par exemple un podcast hebdomadaire de notre CEO, de la communication orale très claire sur les procédures, des contacts directs sur sites avec les collaborateurs Pierre Fabre pour s’assurer que le dialogue n’est pas rompu, que les mesures sont bien mises en place et que l’anxiété bien compréhensible au départ est surmontée pour atteindre les objectifs.

Cette organisation est-elle maintenant un atout pour la sortie de crise ?

V. H. : Le fait d’avoir su piloter nos activités pendant ces quelques semaines, et surtout de ne pas les avoir arrêtées, nous permet d’envisager une reprise par étapes, dans le respect des mesures de sécurité et en suivant les recommandations officielles. Un fonctionnement avec des équipes de 100 personnes est une bonne base pour extrapoler à l’étape suivante : passer de 100 à 150, puis 150 à 200, etc. Pour la partie planification, il est difficile de prévoir à l’heure actuelle quels seront les comportements de consommation sur les produits dermocosmétiques, comme les protections solaires par exemple. Nos équipes marketing travaillent sur des scenarii pour ajuster les quantités mises sur le marché et nos plans de production.

Quelles leçons retenir sur la culture de résilience de l’entreprise Pierre Fabre ?

V. H. : C’est plus une confirmation : la crise que nous traversons ne fait que renforcer l’attachement et l’engagement de tous les collaborateurs à leur entreprise. Que ce soient les nombreux dons de gel hydroalcoolique et de crèmes cicatrisantes pour les mains aux soignants et aux pharmaciens ou les efforts consentis par nos collaborateurs pour assurer la pérennité de l’entreprise. L’esprit de Pierre Fabre est bien mis en valeur dans ces moments difficiles. Cela ne fait que renforcer la raison d’être du Groupe Pierre Fabre.

EN SAVOIR +

Pierre Fabre, un acteur mondial fidèle à ses racines tarnaises

– Fondé à Castres (Tarn) par un pharmacien d’officine passionné par la botanique.

– Raison d’être : « Chaque fois que nous prenons soin d’une seule personne, nous rendons le monde meilleur. »

– 60 ans d’expertise pharmaceutique, Pierre Fabre est l’inventeur de la dermocosmétique.

– Un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros (36 % en France, 64 % à l’international).

– 10 500 collaborateurs dans le monde.

– + de 90 % de la production localisée en France.

 

Propos recueillis par Marion Baschet-Vernet.

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