« Une ambition collective pour la bioprod française »

Laurent Lafferrère, DG de France Biolead

Avec la volonté d’un bâtisseur, Laurent Laferrère a pris les rênes de l’association France BioLead fin 2022 pour faire de la France le leader européen de la bioproduction de biomédicaments et renforcer son indépendance. En quelques mois, il a réussi à créer l’émulation sur tout le territoire pour relever ce challenge d’ici 2030.

Pourquoi avoir accepté ce challenge ?

Laurent Lafferrère

Ceux qui me connaissent me décrivent comme un bâtisseur et un homme qui aime relever les défis ! La mission de France BioLead a beaucoup de sens pour moi avec un fort impact sur la santé de demain. Les biomédicaments représentent plus de la moitié de notre pipeline d’innovation thérapeutique et sont un réel espoir pour près de 10 millions de patients français touchés par certains cancers, des déficiences génétiques, des maladies inflammatoires ou auto-immunes.
Ces dernières années, une volonté collective d’établir la filière de bioproduction française a émergé.

C’est ainsi que France BioLead a été créée par ses 15 membres fondateurs, sous l’égide du CSF-ITS1 et de l’État, démontrant une forte légitimité dans l’action. C’est grâce à nos forces sur le terrain et notre intelligence collective que nous réussirons à devenir leader européen et à restaurer notre souveraineté.

Depuis votre prise de fonction, vous parcourez les territoires.
Pourquoi est-ce important ?

L. L. : C’est un engagement que j’ai pris dès le lancement de l’association, il y a un an, à Bercy. Il est essentiel de créer du lien à l’échelle du territoire pour soutenir notre stratégie nationale. Cela a été le point de départ de mon Tour de France, qui m’a mené dans huit régions à la rencontre de plus de 45 sociétés spécialisées, mais aussi de clusters, de pôles de compétitivité, d’autorités locales… Cette étape proche du terrain a confirmé le constat que j’ai fait : la France connaît un écosystème fragmenté de sa bioproduction – à tel point que les acteurs se connaissent très peu d’un territoire à un autre –, mais il existe également de réelles dynamiques à l’œuvre dans nos régions et un fort engouement à nous rejoindre pour structurer la filière et travailler collectivement sur des sujets clés.

Quels sont ces sujets clés aujourd’hui ?

L. L. : Nous disposons d’un vaste réseau d’excellence et de compétences, mais nous avons besoin d’apporter de la lisibilité et de la visibilité, en faisant travailler les acteurs ensemble. C’est la mission première de France BioLead. Un autre enjeu est d’assurer la meilleure adéquation possible entre les besoins et les formations pour conforter la croissance de nos entreprises, mais aussi renforcer l’attractivité du secteur.
C’est un axe de travail pris en compte dans le nouvel avenant du CSF-ITS, signé fin novembre 2023, et qui sera copiloté par France BioLead et le Leem. C’est pourquoi – aussi – nous avons créé la Journée nationale de la bioproduction et des biomédicaments (JNBB), le 5 juillet 2024, avec le soutien de trois ministères (Souveraineté industrielle, Santé et Prévention, Enseignement supérieur et de la Recherche) et l’Agence de l’innovation en santé (AIS).

Objectif : donner envie de nous rejoindre !

Une action complémentaire est de renforcer le financement et l’investissement dans l’innovation en bioproduction, avec le soutien de Bpifrance, pour appuyer l’effort de réindustrialisation et la relocalisation.
Ce qu’il faut assurer, in fine, c’est l’adéquation entre notre pipeline national de projet en R&D et nos capacités de bioproduction. C’est pourquoi nous sommes engagés dans un travail de caractérisation de la filière, de ses forces et faiblesses, pour monitorer l’impact de nos actions sur le développement des acteurs.

En savoir +

Fédérer la filière française de la bioproduction de biomédicaments

France BioLead a été créée en décembre 2022, avec le soutien des ministères de la Souveraineté industrielle, de la Santé et de la Prévention, et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que ses 15 membres fondateurs publics et privés sur tout le continuum du biomédicament : Allis-NA, Capgemini, CEA, Clean Biologics, Enosis Santé (BioValley France, Eurobiomed, Lyonbiopôle Auvergne-Rhône-Alpes et Medicen Paris Région), France Biotech, Genopole, GTP Bioways, Inserm, Leem, Merck, Polepharma, Sanofi, Servier, Thermo Fisher Scientific. Le Groupe IMT est membre de France BioLead depuis mai 2023.

Groupe IMT Passerelles 84 janvier2024 page 22

Nous disposons d’un vaste réseau d’excellence et de compétences, mais nous avons besoin d’apporter de la lisibilité et de la visibilité, en faisant travailler les acteurs ensemble.

Sur quels axes travaille concrètement France BioLead ?

L. L. : Nous avons lancé quatre groupes de travail pour appuyer la dynamique d’échange et la coordination des efforts entre nos 41 membres. Le premier sur « la structuration de la filière » est chargé de déployer un outil de type plateforme
communautaire pour accélérer la mise en relation entre les partenaires. Le deuxième porte sur le financement avec l’objectif de répondre aux besoins en fonds propres des acteurs de la filière bioproduction et de mieux mobiliser les
financements privés et publics disponibles pour les aider.

L’idée est également de promouvoir les solutions et les modèles économiques
susceptibles d’accélérer les développements.
Un troisième rassemble en très grande majorité des pharmaciens responsables de nos membres et des experts scientifiques, pour dessiner le cadre réglementaire qui permettra de faire émerger ces technologies
et biomédicaments. Une vigilance particulière est portée sur
la surréglementation française, par
rapport à l’Europe, pour renforcer la
compétitivité de nos entreprises. Un dernier groupe, et non des moindres,
travaille à lever les verrous technologiques pour réduire le coût et renforcer l’accessibilité des biothérapies.

Quelle est votre feuille de route en 2024 ?

L. L. : Nous allons déployer nos premiers outils, en particulier la plateforme communautaire et collaborative entre tous les acteurs. Un annuaire spécialisé sur la bioproduction, créé en partenariat avec le Leem et MabDesign, sera prochainement opérationnel pour apporter cette lisibilité et cette visibilité nécessaires. Nous souhaitons également porter à la connaissance de l’autorité de santé française (ANSM) et de l’AIS nos premières recommandations en matière de réglementation et de financement pour avancer sur la structuration de la filière. Et nos travaux vont continuer, en alliant le meilleur de la recherche académique et privée, pour faire émerger des projets collaboratifs tels que Calipso2, dans le pilotage intelligent des bioprocédés, pour stimuler la transformation de nos industries.

Le prochain cap à franchir ?

L. L. : Il n’existe pas d’équivalent à France BioLead en Europe. Nous connectons déjà l’ensemble des acteurs français de la chaîne de valeur du biomédicament pour porter les enjeux du secteur. En ce sens, 2024 pourra aussi être l’année de nouvelles collaborations européennes !

Repères

Directeur général de France BioLead, l’association pour la bioproduction de biomédicaments en France. Un parcours de vingt-quatre ans dans le secteur pharmaceutique, dont quatorze ans à des postes exécutifs chez PathoQuest, Seqens Lab, Covance Laboratory, Sanofi et Oril Industrie (Servier). Docteur en physico-chimie et génie des procédés, avec un MBA de HEC Paris.

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet.

1.Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé
2.Calipso pour capteurs en ligne de procédés et solutions innovantes en bioproduction, lancé en septembre 2021 à l’initiative de Sanofi, en partenariat
avec Capgemini Engineering (ingénierie des procédés), Ypso-Facto (logiciels de simulation prédictive), Global Process Concept (outils de modélisation et rétrocontrôle), le CEA (capteurs miniaturisés) et CentraleSupélec (modélisation et simulation de bioprocédés).

Extrait du magazine Passerelles 84. Pour le consulter, cliquez ici.