Métiers de demain : en quête de profils agiles
L’industrie (bio)pharmaceutique continue d’évoluer et recrute pour faire face aux défis écologiques et numériques, innover et se développer localement. Les sites ont besoin d’opérateurs, de techniciens et d’ingénieurs, des profils indispensables pour bâtir une industrie 4.0 plus performante et durable.
Arnaud Chouteau, directeur emploi formation du Leem, pose tout de suite le décor : « Pour la sixième année consécutive, l’industrie (bio) pharmaceutique française enregistre une véritable dynamique d’investissement et de développement sur tout le territoire français, avec une hausse de 2,4 % de croissance en 2023, contre seulement 1,1 % pour l’ensemble de l’industrie, représentant 16 500 recrutements dans l’année. » Derrière ces chiffres, ce secteur en pleine évolution emploie aujourd’hui 108 600 personnes, avec une forte proportion de cadres (58 %) et un turnover bien en deçà de la moyenne nationale (9,7% contre 22 %). L’industrie attire à la fois les jeunes – près de 10 000 alternants en 2024 – et les profils plus expérimentés, avec 20 % de recrutements qui concernent des seniors. Et, malgré un climat économique devenu plus incertain ces derniers mois, l’essor des besoins en innovation médicale, couplé à la demande mondiale en médicaments, continue de stimuler les investissements et les projets d’extension de sites, avec la volonté de renforcer la souveraineté sanitaire.
L’industrie (bio)pharma, championne des transitions
Dans ce secteur de santé essentiel, les transitions écologique et numérique s’imposent désormais comme des leviers majeurs d’innovation, d’emploi et de compétitivité. D’ici 2030, 2 000 postes devraient ainsi émerger dans le domaine de la transition environnementale, portée par des enjeux de décarbonation, de sobriété énergétique et hydrique, mais aussi par une exigence accrue en matière d’impact environnemental des médicaments, désormais évalué dans le cadre des appels d’offres hospitaliers. Avec un impératif de décarbonation, aligné sur les objectifs des accords de Paris : une réduction de 50% des émissions de CO2 (scopes 1 et 2) et de 25% des émissions indirectes (scope 3) à l’horizon 2030.
« Nous sommes le premier secteur industriel à avoir signé un accord de branche sur la décarbonation », rappelle Arnaud Chouteau pour le Leem, qui accompagne les entreprises dans cette mutation stratégique.
Chiesi France, entreprise à mission depuis 2021, incarne cette dynamique vertueuse. « La transition écologique est une opportunité d’investir, d’innover et de faire monter les équipes en compétences », souligne Neil Bernard, son directeur de l’accès au marché, des affaires publiques et de la communication. Le laboratoire a investi plus de 450 millions d’euros dans la fabrication d’une nouvelle génération d’aérosols doseurs médicamenteux, conçus pour minimiser leur impact environnemental, avec une réduction de 90% de l’empreinte carbone par dispositif. À La Chaussée-Saint-Victor, près de Blois, son site a déjà basculé sur un mix énergétique 100% renouvelable, tout en repensant la collecte et le retraitement des eaux usées ainsi que l’impact de l’activité sur la biodiversité. « Notre objectif est que l’expertise principale devienne demain une expertise de transition écologique, avec des collaborateurs qui ont une vue transverse de nos activités et contribuent aux décisions stratégiques de l’entreprise », confie-t-il.
Même logique pour la transition numérique, qui irrigue désormais tous les métiers de la filière. D’ici 2030, 2 800 recrutements sont prévus dans ce domaine. « La production et la qualité, qui concentrent déjà 46% de nos effectifs, évoluent fortement avec l’automatisation, l’analyse de données et la digitalisation des processus », analyse Arnaud Chouteau (Leem). Les métiers d’opérateur et de technicien de production, auxquels forme le Groupe IMT, sont toujours les plus recherchés sur le plan national par l’industrie (bio)pharma. Avec un enjeu : se réinventer en intégrant pleinement les défis environnementaux et digitaux, et miser sur des compétences nouvelles pour bâtir une croissance durable et responsable.
Technicité, digital et esprit d’équipe, les nouveaux fondamentaux
Pour Franck Leroux, responsable de la stratégie industrielle, de l’excellence opérationnelle et du lancement de nouveaux produits chez Sanofi, l’avenir de la (bio) pharma repose sur des profils agiles, capables de maîtriser à la fois les fondamentaux du secteur (biotechnologies, qualité, réglementation) et les outils digitaux en constante évolution. Face à l’accélération des innovations, la polyvalence, le travail en équipe et l’approche pluridisciplinaire deviennent essentiels.
Le Groupe IMT, pionnier dans la formation des industries de santé et cosmétiques depuis quarante-cinq ans, prépare activement cette nouvelle génération. Sa force ? Une pédagogie immersive learning by doing, des contenus ajustés aux besoins des industriels, et des parcours personnalisés allant jusqu’au niveau ingénieur, immergés dans l’industrie 4.0 : robotisation, digitalisation, exploitation des données (PAT1 et MES2), lean et excellence opérationnelle, pour améliorer la performance industrielle.
« Parmi les nouveautés récentes, le bachelor Génie des bioprocédés pharmaceutiques (ex-TSBI), inscrit au RNCP, forme les futurs pilotes de procédés, responsables qualification/validation ou chargés de développement industriel, souligne Afif Medjahed, directeur pédagogique du Groupe IMT. Le programme intègre les bioprocédés associés aux médicaments de thérapie innovante, ainsi que les outils de suivi en ligne, pour fiabiliser et optimiser la performance des procédés. » Face aux besoins du secteur, les blocs qualification/validation ont été renforcés pour doter les apprenants d’une double compétence désormais essentielle.
En parallèle, la formation en environnement aseptique a été approfondie : préparation matérielle, stérilisation, autoclavage, flux, habillage, gestuelle en ZAC – des compétences rares, parfaitement maîtrisées par le Groupe IMT.
Autre nouveauté : un programme de 5e année d’ingénieur, en partenariat avec l’Université de technologie de Compiègne (UTC), centré sur l’industrialisation des procédés et les outils de suivi en temps réel pour l’analyse en ligne (PAT).
L’offre de formation continue s’étoffe également : bootcamps sur la performance, modules e-learning immersifs sur les BPF, jeux pédagogiques sur mesure (serious games) et sessions intensives (Winter/ Summer Schools) pendant les arrêts techniques. L’objectif : renforcer ses compétences et en acquérir de nouvelles tout au long de sa carrière.
1 Technologie d’analyse des processus – 2 Système d’exécution de la fabrication
A
« La force du Groupe IMT est une pédagogie immersive learning by doing, des contenus ajustés aux besoins des industriels, et des parcours personnalisés allant jusqu’au niveau ingénieur, immergés dans l’industrie 4.0. »
Afif Medjahed, directeur pédagogique du Groupe IMT
© Cyril Chigot
Quand les étudiants deviennent acteurs du changement
Sur les plateaux de l’UTD du Groupe IMT à Tours, les futurs opérateurs et techniciens manipulent cobots, MES, cartes de contrôle et plans d’expérience. Exemple concret : « Grâce à un partenariat avec VIF,
les étudiants pilotent une ligne de conditionnement en temps réel équipée d’un MES. Ils analysent les performances, repèrent les points de blocage, puis relancent un second cycle en appliquant leurs améliorations pour atteindre un objectif de performance », décrit Joan Leclerc, responsable communication et innovation digitale du Groupe IMT.
La pédagogie par projet est également au cœur de la formation de la 5e année d’ingénieur en génie biologique de l’ESITech. « Tout au long de l’année, les étudiants ingénieurs relèvent un défi dans le cadre de leur projet “fil rouge” : imaginer une unité de production pour un anticorps monoclonal. Pour cela, ils utilisent le jumeau numérique du Bio3 Institute, qu’ils reconfigurent selon leurs contraintes. Ils doivent respecter les BPF, le droit du travail et les enjeux RSE.
En équipe, avec l’aide d’experts de Pharmacos, ils proposent une solution de production à la fois réaliste, performante et durable », explique Joan Leclerc.
Groupe IMT
Les étudiants ingénieurs de l’ESITech s’entraînent sur les équipements du Bio3 Institute.
Prêt pour la SMIP 2025 ?
Organisée par le Leem, France Travail et HandiEM, la 4e édition de la Semaine des métiers de l’industrie pharmaceutique (SMIP) aura lieu du 6 au 11 octobre prochain. Une semaine pour renforcer l’attractivité sur tout le territoire au travers de 200 événements : visite de sites industriels, forum emploi, portes ouvertes du Groupe IMT… Le Leem propose également des guides pour s’orienter : leem.org
« Miser sur l’analyse en ligne dès la formation » Thomas Ricour, spécialiste de l’analyse en ligne (PAT) pour les bioprocédés pharmaceutiques et formateur au Groupe IMT, prépare la nouvelle génération d’ingénieurs et d’industriels aux évolutions majeures, comme la production continue, l’approche QbD (qualité par la conception) et l’utilisation des données.
Pourquoi les PAT sont-elles un levier de transformation majeur ?
Les PAT placent l’analyse en temps réel au cœur des procédés, de la réception des matières premières au conditionnement. Elles permettent d’anticiper les dérives, de mieux maîtriser la production et de réduire les pertes, tout en optimisant l’usage des ressources. Déjà bien implantées dans d’autres industries (chimie, agroalimentaire), elles peinent encore à s’imposer en pharma, malgré les recommandations de la FDA depuis 2004.
Pourtant, associées au QbD, elles permettent d’avoir des usines intelligentes, flexibles et durables, capables d’accompagner la relocalisation industrielle.
Quels impacts sur les métiers ?
Une nouvelle ère s’ouvre, où la donnée devient une matière première stratégique. Les entreprises auront besoin d’experts capables de traiter, modéliser et valoriser ces données pour améliorer la qualité : data
analysts, chimio-métriciens, bio-informaticiens, ingénieurs en IA… Les métiers traditionnels évolueront aussi: lire, interpréter et agir sur les données issues des PAT fera partie intégrante des missions des opérateurs, chefs de projet, responsables production ou qualité.
Comment s’y préparer ?
Le Groupe IMT, en partenariat avec l’UTC, forme déjà les futurs ingénieurs à la manipulation des équipements PAT et à l’interprétation des données issues de la granulation, du mélange et de la compression des poudres sur ses plateaux techniques de l’UTD à Tours. L’ambition : étendre ces ateliers concrets à la formation continue pour ancrer ces nouvelles pratiques dans le réel industriel. L’objectif ? Que chaque participant reparte avec des compétences activables immédiatement sur son site.
Modulus : l’usine 4.0 où l’humain fait la différence
Rencontre avec Franck Leroux, responsable de la stratégie industrielle, de l’excellence opérationnelle et du lancement de nouveaux produits chez Sanofi, qui partage sa vision de la bioproduction de demain au travers de la nouvelle usine Modulus.
« Chez Sanofi, entendre que l’ambition est de vacciner tous les enfants du monde, ça donne du sens à chaque action.
C’est une vision qui inspire ! »
Quel a été votre parcours ?
Ingénieur de formation, j’ai débuté chez Renault avant de rejoindre Sanofi en 2002. Durant plus de vingt ans, j’ai occupé différents postes dans l’industrie, notamment en supply chain, finance, stratégie et direction de sites en Amérique. Aujourd’hui, je pilote la stratégie industrielle, la performance des sites et le lancement des nouveaux produits.
Qu’est-ce qui rend Modulus unique ?
Modulus, ce sont deux usines innovantes, à Neuville-sur-Saône et à Singapour, qui seront opérationnelles fin 2026. Elles sont conçues pour être flexibles, digitales, durables, et capables de produire rapidement vaccins ou biomédicaments selon les résultats des essais cliniques. Inspirées des Lego, ces unités « plug and play » permettent de lancer des productions à petite échelle, avec des équipements à usage unique, avant de monter en puissance si nécessaire. L’IA y jouera un rôle croissant pour améliorer en continu la performance industrielle.
À quoi ressemble le quotidien sur site ?
C’est un environnement moderne et connecté : cobots, véhicules autonomes, jumeaux numériques, outils de contrôle en temps réel… Mais au-delà de la tech’, ce sont les femmes et les hommes, capables de manipuler ces équipements avec précision, qui font la différence. Les procédés sont complexes et nécessitent rigueur, attention, travail en équipes pluridisciplinaires et autonomie. Chaque journée est différente, rythmée par la variété des campagnes de production. Pas de place pour la routine !
Ce type de projet attire-t-il les jeunes générations ? Oui, clairement. Ce projet séduit par son niveau d’innovation, son ambition technologique et son esprit entrepreneurial. Les jeunes cherchent à s’investir dans des projets qui ont du sens, où ils peuvent voir l’impact concret de leur travail. C’est exactement ce que propose cette nouvelle approche de la bioproduction.
Quelles sont les possibilités de carrière dans ce domaine ?
Les opportunités sont multiples : de la recherche au développement, en passant par la production, la qualité, la supply chain, ou les fonctions support. Grâce à nos sites interconnectés dans le monde, les parcours peuvent aussi être internationaux. C’est un secteur exigeant, en forte transformation, et les jeunes peuvent vraiment s’y épanouir s’ils sont curieux, engagés et prêts à apprendre. Ceux qui voudront s’y investir ont un avenir prometteur ! Un dernier conseil pour les futurs talents ?
Lancez-vous avec curiosité, passion et rigueur. Prenez le temps d’apprendre, de comprendre et d’évoluer. Ce sont des métiers exigeants, mais passionnants. Et surtout, n’oubliez jamais pourquoi vous le faites : chaque action, chaque geste, a un impact sur la santé des patients. C’est ce qui donne du sens à notre métier.
Dossier réalisé par Marion Baschet Vernet.
Extrait du magazine Passerelles 88, pour le consulter, cliquez ici.