David Simonnet, PDG Fondateur D’Axyntis : « la réindustrialisation sera possible si les jeunes font le choix de l’industrie »

La volonté de réindustrialiser la France n’a jamais été aussi forte dans la population et la mobilisation de l’État, selon David Simonnet, à la tête d’Axyntis.
Une saine et positive pression pour l’un des leaders français et européen de la chimie fine, dont c’est la raison d’être depuis sa création il y a 15 ans.

 

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Quel est votre bilan à ce jour ?
David Simonnet : On remarque plusieurs tendances chez nos donneurs d’ordre. La relocalisation d’activités industrielles est très limitée et ponctuelle sur les médicaments matures et/ou génériques, qui ont été délocalisés en Asie ces trente dernières années. En revanche, la relocalisation sélective de médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) – en pénurie ou en tension depuis la crise – est bien enclenchée. Un second mouvement est déjà à l’oeuvre depuis cinq ans : il s’agit de la relocalisation de l’acte d’achat ou la réindustrialisation en Europe de l’innovation pharmaceutique.

Avec la volonté des grands groupes internationaux de la santé humaine, animale et cosmétique, de mettre en place des plans de gestion de risque, qui rendent quasi systématique un sourcing européen dès les premières phases de développement clinique. Le contexte favorable qu’a su créer l’État avec France Relance permet d’accélérer le mouvement et de le rendre pérenne.

« Réindustrialiser signifie reconstruire de la capacité pour l’innovation de demain. »

 

Comment Axyntis est-il concerné ?

D. S. : À ce jour, nous avons remporté deux appels à projet gouvernementaux avec des opportunités de croissance sur le site d’Orgapharm à Pithiviers (Loiret). Le premier fin 2020, dans le cadre des Territoires d’industrie, consiste à aménager une unité capable de synthétiser et purifier des molécules hyperactives pour de nouveaux anticancéreux. Nous sommes encore en phase d’ingénierie sur cet axe d’innovation. Le second vise la relocalisation de principes actifs de médicaments, utilisés en réanimation et en anesthésie, très contraints depuis la crise. Nous sommes aussi lauréats de l’appel à projet (AMI) Capacity pour 8 principes actifs sur les 20 proposés, dont l’adrénaline et la noradrénaline. L’investissement est de 6 millions d’euros, cofinancé par l’État à 60 %. Par ailleurs, et c’est une nouvelle activité pour nous, nous allons devenir le bras armé de l’entreprise californienne Innova Medical Group en Europe pour fabriquer ses tests antigéniques rapides de détection de la Covid-19. Avec, à la clé, près de 200 emplois à Pithiviers. Au-delà, notre dynamique se nourrit de nombreux projets sur des médicaments très innovants en phase clinique chez nos clients, et qui devraient être lancés dans les cinq ans à venir.

 

Quel est l’impact sur les relations avec vos donneurs d’ordre ?
D. S. : À partir de 2009, les grands groupes ont privilégié les achats en Asie dans une logique de réduction des coûts. Avec nos clients pharmaceutiques, vétérinaires et cosmétiques, nous sommes aujourd’hui engagés sur des contrats pluriannuels avec des accords de quantité a minima. Nous évoluons vers une logique de partenariat. La relation avec nos clients est donc plus équilibrée. Nous arrivons aussi à faire valoir nos standards de qualité et de sécurité, plus élevés qu’en Asie, ainsi qu’à co-investir pour inscrire nos développements dans la durée.

 

Sommes-nous sur le bon chemin ?
D. S. : Je crois beaucoup à une croissance endogène dans nos territoires. La bonne nouvelle est que la réindustrialisation est un sujet majeur des prochaines élections présidentielles. Nous avons réussi à éviter l’énorme confusion entre l’illusion passéiste de relocaliser l’industrie d’hier, qui serait une erreur économique et environnementale, et la vision d’avenir de réindustrialiser, qui signifie se doter de nouvelles offres industrielles pour l’innovation. Cela va de pair avec des procédés mieux maîtrisés, écologiques, performants, pour garantir notre autonomie sanitaire demain. On ne fait plus de l’industrie comme il y a trente ans !

 

Avez-vous des réserves pour l’avenir ?
D. S. : Ce qui m’intéresse est d’ancrer le changement de manière durable, qu’il s’agisse de l’évolution des règles du jeu entre donneur d’ordre et sous-traitant, ou de la politique publique favorable pour l’industrie. Mais des freins perdurent. Certains de nos clients ne semblent pas avoir compris la portée de la crise. Nous avons décidé chez Axyntis de ne plus travailler avec ceux qui ne développent pas des liens durables avec leurs sous-traitants. En parallèle, certains représentants de l’État montrent de la résistance au changement. Ils sont encore sur ce mythe destructeur que l’on peut faire de l’industrie « sans usine ». Enfin, après trente ans de désindustrialisation, on assiste aussi à une perte de la culture industrielle, au-delà de tous les impacts  socioéconomiques que cela a provoqué : fermeture d’usines, disparition d’emplois, paupérisation du territoire et de la vie locale, etc.

« Notre filière évolue dans une logique de partenariat durable avec nos donneurs d’ordre. »

 

Le grand chantier de demain ?
D. S. : La réindustrialisation sera possible si les jeunes font le choix de l’industrie. Avec, en amont, la mise au point de formations qualifiantes à destination des chercheurs dans une optique de reconversion. C’est un axe de travail important en Centre-Val de Loire au travers de CosmétoPharma, le campus des métiers et des qualifications d’excellence qui fédère les acteurs de la Cosmetic Valley et du cluster Polepharma.
L’enjeu est de recenser les offres de formation et de sensibiliser les industriels de la région à leur diversité pour avoir les moyens humains de relever le défi des compétences. Cette initiative publique / privée s’inscrit dans le cadre de la reconquête de souveraineté pour les médicaments de demain.

 

Repères :

– PDG et fondateur d’Axyntis, qui compte cinq usines en France (Pithiviers, Calais, Montluçon, Grasse, Saint-Marcel) et 450 salariés pour un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros en 2021.
– Président du campus des métiers et des qualifications d’excellence CosmétoPharma (Centre-Val de Loire).
– Membre des clubs ETI Île-de-France et ETI Centre-Val de Loire.

 

Dossier réalisé par Marion Baschet Vernet.

Extrait du magazine Passerelles 79, pour consulter le magazine cliquez ici.