Guillaume Plane, Global development & marketing manager chez Merck
PROSPECTIVES
Guillaume Plane, expert de la bioproduction chez Merck.
« Demain, des unités de production d’anticorps plus petites, mobiles, flexibles et innovantes. »
Pour Guillaume Plane, expert qui animait le Congrès Polepharma Bioproduction à Tours en décembre dernier, les biosimilaires vont apporter une véritable rupture dans la manière de produire les biomédicaments dans le monde. On s’achemine demain vers des unités de production plus petites, mobiles, flexibles et réactives pour s’adapter à la demande.
Quels sont les principaux pôles d’innovation et de bioproduction au niveau mondial concernant les biomédicaments ?
Guillaume Plane : Les biomédicaments issus des biotechnologies représentent un marché mondial de 250 milliards de dollars principalement réparti sur trois grands pôles : l’Amérique du Nord, l’Europe et la Chine. Aux États-Unis, quatre biotechs ont façonné la technologie de l’ADN recombinant à la fin des années 70 : Amgen, Genentech, Biogen et Chiron. Mais c’est en Chine aujourd’hui que l’on invente et met au point certains des biomédicaments les plus avancés, notamment des anticorps monoclonaux (mAbs) bispécifiques et des systèmes de thérapie cellulaire.
Un exemple fulgurant de réussite est WuXi AppTec, devenu l’un des leaders mondiaux dans la bioproduction en cinq ans seulement. Dans ce classement mondial, l’Europe arrive à tenir sa place avec le Royaume-Uni et l’Allemagne en tête. Un quart des mAbs du continent sont en développement au Royaume-Uni. Ces évolutions entretiennent la croissance soutenue de la bioproduction de 15 % par an, avec une forte demande émanant des BRICs (Brésil, Russie, Inde et Chine) et de nouvelles c o n t r a i n t e s régionales : certains pays comme le Brésil exigent de produire localement pour approvisionner leur marché.
Qu’est ce qui va changer la donne selon vous dans les 2 à 3 ans qui viennent ?
G. P. : Une tendance forte s’exerce à la pression sur les prix et les coûts. La deuxième vague de biosimilaires à partir de 2020 va renforcer cette évolution, représentant près de 50 milliards de revenus libérés de contraintes de propriété industrielle, avec aussi un facteur nouveau d’incertitude et une compétition accrue entre acteurs. Les biosimilaires sont des médicaments biologiques « similaires » aux médicaments de référence – efficacité et innocuité équivalentes au produit princeps même si la molécule n’est pas, elle, strictement identique. Près de 7 tonnes de biosimilaires vont être produites entre 2024 et 2025 dans le monde, contre une tonne aujourd’hui.
Pour l’Herceptin de Roche, par exemple, le traitement phare du cancer du sein, c’est déjà presqu’une tonne de moins qui sera produite d’ici 2024 par le laboratoire. Dans cinq ans, l’hôpital fera le choix parmi toutes les solutions de traitement d’un cancer en fonction de son coût. La pression sur les prix, les contraintes régionales et les incertitudes sur la demande vont imposer d’avoir des systèmes de bioproduction moins coûteux, plus flexibles, réactifs et rapides.
Comment répondre à cette demande de flexibilité du marché ?
G. P. : Depuis une dizaine d’années, une tendance majeure vise à favoriser l’utilisation de bioréacteurs en plastique à usage unique pour produire des mAbs en gros volumes (jusqu’à 2000 litres) et réduire le capital investi dans l’unité de production. Ces bioréacteurs sont stérilisés aux bétaradiations, un système plus économe en énergie. Ils permettent aujourd’hui d’avoir des usines plus petites, flexibles et multiproduits pour approvisionner une région. C’est le modèle initié par Amgen depuis cinq ans. Une autre tendance en devenir est la production en continu avec des systèmes de perfusion permettant de faire tourner le bioréacteur de 2 000 litres pendant plusieurs semaines, en récoltant progressivement la production et le milieu de culture.
Y a-t-il des leviers spécifiques pour les marchés émergents ?
G. P. : L’empilage d’Algecos, comme déjà pratiqué dans d’autres chantiers de construction, est aujourd’hui un moyen d’assurer des unités de production « clés en mains » mobiles, envoyés par bateau à l’autre bout du monde. L’objectif est de pénétrer un marché sur six mois à un an ou simplement de répondre à un besoin ponctuel comme par exemple de monter une unité de vaccin Ebola en Afrique subsaharienne pendant 3 semaines. La dernière innovation vient de start-up américaines : il s’agit de ne fournir que le plafond totalement équipé (traitement d’air, eau…) conforme aux procédures GMP à monter sur quatre murs !
Propos recueillis par Marion Baschet-Vernet.
Découvrez plus d’articles sur la bioproduction dans notre magazine Passerelles n°73.